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Zab's Books
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23 février 2013

La couleur des sentiments

STOCKETT, Kathryn. The Help. Amy Einhorn Books. 451 pages. En français sous le titre La couleur des sentiments. Actes Sud. Collection Babel. 624 pages. 9,70 €

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Début des années 1960 à Jackson dans le Mississipi. La jeune Skeeter Phelan rentre de l'université chez ses parents, cultivateurs de coton. Elle découvre avec surprise que Constantine, la domestique noire de la maison, la femme qui l'a quasiment élevée, est partie. Quand elle en demande les raisons, tout le monde devient très évasif. Skeeter retrouve aussi ses amies de lycée, déjà toutes mariées et mères, et possédant elles aussi leur domestique noire. Quand Hilly Holbrook, la représentante de la Ligue de la ville lance l'initiative de faire construire dans chaque maison des toilettes réservées aux domestiques (c'est bien connu que les Noirs peuvent transmettre des maladies aux Blancs), Skeeter remet en cause le bien-fondé de l'idée et commence à se poser mal de questions quant aux relations femme de la maison-domestique. Pourquoi des toilettes séparées alors que ces femmes élèvent les enfants de ces dames, font la cuisine pour elles, le ménage, et sont donc ainsi dans leur intimité 10 heures par jour. Pour toutes ces raisons et aussi parce qu'elle veut devenir écrivain, Skeeter commence à interviewer la domestique de sa meilleure amie, puis d'autres, afin d'écrire un ouvrage sur les relations de ces femmes très proches dans les faits mais éloignées pour de vulgaires causes de race. Evidemment, la tâche ne sera pas simple, car les domestiques ont peur des représailles.

Franchement, quand j'ai emprunté ce livre à ma collègue américaine, ce fut avec quelque réticence. Je craignai en effet de tomber sur une bonbonnière remplie de bons sentiments bien mièvres. La première impression ne fut pas la bonne. Ce roman-chorale est magistral. Grâce aux différentes narratrices (Skeeter et deux domestiques, Aibileen et Minny), le lecteur comprend la pleine mesure de la vie des femmes dans le sud des Etats-Unis au début des années 60 et des relations pleines de contradictions entre elles. Ces domestiques qui sont traitées pour ce qu'elles sont, des femmes de ménage de dernière zone, mais également considérées parfois comme des confidentes, voire des amies, et qui surtout, s'occupent de l'éducation des enfants à la place des mères, qui semblent débordées (alors qu'elles ne travaillent pas) ou même complètement désintéressées par ces mômes qui les empêchent de vivre comme elles le voudraient (aller chez le coiffeur, au salon de beauté, chez les amies, jouer au tennis...). Voir le personnage de la femme de Don Draper dans la série "Mad men" qui donne toujours l'impression de se soucier de ses gosses comme de l'an 40. Où l'on se rend compte aussi que dans le fond, ces femmes blanches et aisées ne sont pas heureuses, car malgré le bon salaire de leurs maris, elles s'ennuient. D'où souvent la volonté de mettre son nez dans les affaires des autres et de vouloir tout régenter autour de soi, pour avoir l'impression d'exister (en cela, le personnage d'Hilly Holbrook, celle que vous adorerez détester, est très représentatif). Mais c'est surtout le destin des femmes de couleur qui est passionnant : leur combat pour mener une vie décente, donner une bonne éducation à la fois à leurs enfants, mais aussi à ceux de leur "maîtresse", leur lutte face à un destin ingrat (mari violent, violences racistes, fausses accusations, humiliations). Malgré une scolarité souvent bien vite achevée, leur intelligence et leur empathie face aux pires événements (un des avantages du roman est de mêler histoires individuelles et Histoire : discours de Martin Luther King, assassinat de Kennedy, évolution des moeurs), leur entraide. Bref, leur humanité qui leur est pourtant niée à maintes reprises. L'amitié qui naît entre Skeeter et Aibileen, malgré toutes leurs différences, prouve que dans le fond, pas grand chose ne les sépare. C'est d'ailleurs le grand point fort de ce roman, c'est qu'il n'est pas manichéen : si les femmes noires souffrent dans leur quotidien, elles ont aussi la faculté de se rebeller (l'épisode du gâteau au chocolat de Minny est particulièrement... savoureux). Et même si les femmes blanches ont de quoi vivre confortablement, elles ne connaissent pas forcément le bonheur (le personnage de Celia Foote est en cela assez pathétique).

Bref, il y aurait encore des choses de tonnes à dire, mais le mieux, c'est que vous vous procuriez ce livre et en parliez avec vos relations. De bonnes heures de discussions en perspective.

FONCEZ !!

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