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Zab's Books
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17 août 2014

Sigmaringen

ASSOULINE, Pierre. Sigmaringen. Gallimard. 368p. 21€

 

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Septembre 1944. Sigmaringen, la résidence des princes Hohenzollern, voit arriver un bien curieux équipage. Réquisitionné par Hitler, le château -et le village- doit désormais accueillir le régime de Vichy ainsi que ses sbires et autres suiveurs (dont Céline et le père de Philippe Druillet, le fameux dessinateur, même s'il n'est pas fait mention de ce dernier dans le roman). Philippe Pétain, en fuite face aux Alliés qui avancent à grands pas, continue donc de diriger la France depuis l'Allemagne, même s'il s'avère qu'il est désormais plus un détenu qu'un décideur. Bien loin de prendre la mesure des événements et de la fin inéluctable du régime nazi, le gouvernement élabore encore lois et décrets, tout cela sous fond de guerres intestines, aussi bien politiques que personnelles (voir l'histoire de l'escalier, édifiante), de querelles ridicules face à l'Histoire en marche (luttes de hiérarchie quant aux étages et aux pièces attribuées à ces messieurs-dames). Gérant tout ce petit monde et véritable "seigneur du château" en l'absence de son maître, Julius Stein, majordome en chef. Julius qui, devant la tâche qui lui incombe, s'efface tout en restant indispensable et garde ses secrets.

Tout simplement magistral ! La superbe plume de Pierre Assouline (quelle écriture, littéraire, fluide, de somptueuses tournures... j'arrête, mon cerveau a un orgasme) retranscrit ici sous une forme romancée un épisode peu connu (par moi en tout cas) de l'histoire de la fin de la Seconde guerre mondiale. Un gouvernement en pleine déchéance (en a-t-il de toute façon été autrement ?), qui s'effrite sous nos yeux, dont les membres se tirent dans les pattes pour des raisons futiles (pour illustrer certaines de ces guéguerres, j'en appelle au génie de Charlie Chaplin et à la scène du "Dictateur" où Hynkel et Napoleoni se bagarrent pour être assis plus haut que l'autre). On les voit, les Laval, Darland, Déat, Doriot et autres rejets de l'humanité croire encore à la victoire de l'Allemagne et préparer la place de la France dans le Reich victorieux. On les voit manger dans l'argenterie du château (voire la voler ! ) tandis que leurs suiveurs crèvent la faim dans le petit village en contrebas. Et puis il y a surtout le personnage de Stein, majordome impeccable, sorte de Carson allemand. D'ailleurs, les références à "Downton Abbey" ou à "Gosford Park" ne manquent pas dans ce roman avec les nombreuses incursions dans le monde des domestiques, qui vivent eux aussi dans une certaine hiérarchie et la peur du futur. Stein, imperturbable, qui ne se situe que d'un côté, celui du Château et de la famille qu'il sert depuis son adolescence. Stein et son secret, sa façon à lui de lutter contre la barbarie.

REMARQUABLE !!!

 

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