Kinderzimmer

GOBY, Valentine. Kinderzimmer. Actes Sud. 224 pages. 20 €

Ancienne déportée à Ravensbrück pour faits de résistance, Suzanne fait la tournée des lycées pour témoigner. C'est alors qu'une adolescente lui demande si, quand elle était à Ravensbrück, elle avait conscience d'être à Ravensbrück, dans ce lieu précis, qui allait bientôt être connu du monde entier. Alors Suzanne se souvient... et ce qui se rappelle à elle est bien différent du discours qu'elle tient devant les jeunes. Plus cru, plus violent, plus dur. Comment vivre et survivre dans des conditions inhumaines quand on porte soi-même la vie, et comment s'accrocher à une vie en devenir quand la sienne ne tient qu'à un fil.

La déshumanisation, les souffrances physiques (maladies, faim, crasse, odeurs...), les tortures mentales (l'appel des prisonnières qui dure des heures, debout dans le froid perçant de Pologne, les coups, les privations...), rien de la cruauté ni de la crudité des camps n'est ici épargné au lecteur. Et pourtant, des moments d'humanité, heureusement : l'espoir des femmes, l'entraide, les récits du temps d'avant... et la vie. Suzanne arrive enceinte au camp et sa grossesse passera toujours inaperçue (le déni, les carences) jusqu'au jour de la naissance. Et dans ce camp empli de brutalité, d'animalité, un espace comme hors du temps, la Kinderzimmer, la chambre des enfants. Qu'on pourrait prendre pour un havre de paix, mais qui n'est rien d'autre qu'une prolongation des baraques, avec son manque de nourriture, de soins, les maladies, les rats (!!). Et Suzanne lutte pour que vive son petit, ou celui d'une autre, qu'importe, la vie ici est trop précieuse, un cadeau. Une écriture sèche, rude pour décrire ce qui ne peut s'imaginer, ce dont on ne peut prendre conscience sans l'avoir vécu. Un roman de plus sur les camps de concentration, c'est ce qu'on pourrait se dire, mais non, car cette problématique (rester humain, rester femme, rester mère malgré tout, la survie de petites choses si significatives car synonymes d'avenir) a été peu abordée. Les descriptions sont tellement réalistes que la lecture est parfois pénible, mais il faut s'accrocher, le livre en vaut franchement la peine.

Sur à peu près le même sujet, je recommande chaudement le livre de Rachel Hausfater "Le chemin de fumée", estampillé jeunesse, mais tellement poétique et onirique qu'il s'adresse à tous.